Etonisme pour la jeune Angola

Publié le par James E. Cliff

Ruth Colette Belinga

 

MA et Doctorandum en Histoire de l’Art,

 

Univeristé de Yaoundé, Caméroun

 

 

 

Etonisme pour la «Jeune Angola».

 

 

Introduction

 

Face au support de l’art, les institutions scientifiques – du genre de l’Université ou Musée – sont inévitablement fundamentales. Et les expositions sont des données qu’il en faut auxilliairement. Celle-ci, intitulée «Jeune Angola» me parait une invitation sur ce que le peintre/sculpteur António tomas Ana Etona nous fait savoir ses propos sur l’Angola de nos jours. Une Angola encore Jeune. Parce qu’elle a à peine 5 ans, dirait-il.

 

 

J’ai connu António Tomas Ana dit Etona à Douala lors de la Biennale DUTA. Il était accompagné de Patrício Batsîkama (Philosophe d’art). J’avoue que c’est un beau mariage entre un critique d’art et un artiste. Outre leur présentation à Duta, leur existence est un fait historique rupturesque.

 

 

De même qu’il ne peut exister de politique sans légitimité juridique, l’art trouve la sienne dans la critique, plus précisément dans les sciences qui ont l’art pour l’objet d’étude[1]. Sans moindre doute, l’exposition sculpture/peinture que l’Insitut Camões – l’Ambassade portugaise aceuilit est une démarche défiante pour l’artiste, mais nous ne pretendons pas sa légitimation. Plutôt, nous irons exploiter la philosophie selon laquelle Etona codifie moyennant son oeuvre. Dès lors, nous tenterons de l’interpreter ineluctaablement avec son oeuvre exposée faisant usage du langage le moins savant.

 

 

 

De l’étonisme à la dimension historique

 

Il existe trois vérités : ma verité; ta vérité; sa vérité. Nulle entr’elle serait radicale. Et l’étonisme se definit comme la somme de trois vérités : logique trivalente. Le terme «etona» signifiant «tolerance, indulgence» en langues traditionnelles angolaises, l’étonisme serait la relation definissante sur la quelle se fonde l’existence de ces trois vérités[2]. Ce qui revient à dire que l’étonisme est une philosophie de la raison tolerante. Cette philosphie est exprimée dans la sculpture : tri-traitement sur la matiére (qui résume ces vérités codifiées), ainsi comme dans les tri-tonalités sur les toiles. Ou comme le disait Patrício Batsîkama.

 

«Philosophiquement, l’étonisme est une codification moyennant la peinture et la sculpture pour lutter contre le tribalisme, séparatisme, régionalisme, chauvinisme et discrimination d’idées, de genre, de race, de religion, etc.»

 

 

La dimension historique que les arts ont dans le continent africain est pauvre et riche en même temps. Pauvre parce que l’histoire s’intéresse davantage aux événements rupturesques, ainsi comme la découverte de l’écriture. Et l’Afrique n’en a pas encore assez... Peut-être étonisme en soit un. Chacun des pays africains aurait besoin de ses événements historiques bien systématisés scientifiquement afin que l’on procède ensuite à une Histoire classique de l’art africain . Question du support institutional. Université où serait «canonisé» l’étonisme. Aurai-il été préferable, que cette université soit en Afrique pour ne pas boycotté comme a été fait au cas de Cheikh A. Diop. Et riche parce que, l’histoire de l’art africaine n’est pas encore autonomement exploitée; on l’associe souvent – et à tort – à l’ethnologie. Certains musées européens indiquent que, en fait, l’histoire de l’art africaine paraît vraissemblament riche, en attendant des études scientifiques sous plume africain. D’ailleurs, quand nous y effectuons stages ou visite, nous nous rendons compte de sa richesse lointaine.

 

 

Normalement, il n’existe pas d’histoire sans anthropologie, mais l’histoire de l’art africain, doit être étudiée séparément pour son évidence : «vraies inventions». Il va de soi que l’esthétique africaine n’a rien à voir avec d’autres, étant donné que chacun vit et a ses problèmes – l’un diffère de l’autre. De surcroît, étonisme évente au-delà des problèmes exclusivement africains : on trouve des exclusions partout ailleurs dans le monde, même dans les pays  dits développés. C’est justement ça qui octroie à cette philosophie une place d’honneur indépendamment du milieu où elle peut être exposée. E, c’est justement ça l’enfilade philosophique que le philosophe angolais Patrício Batsîkama a systématisé.

 

 

 

Un classique africain?

 

D’une façon générale, le classisme fait défaut en Afrique. Et s’il existe des études classiques,  c’est sûrement la plume étrangère, et peu s’en faut pour l’africain lui-même qui, depuis lors, s’habitua à faire une science de seconde main, en l’important souvent en état dépravé[3]. Cependant il faut que l’on en finisse avec ces gouvernances scientifiques. Certains africains comme Cheikh Anta Diop ont audacieusement défié le bloc d’eurocentrisme en proposant l’Égyptologie. Et cela a géré l’Africologie qu’on enseigne aujourd’hui certaines universié américianes. C’est dans ce sens que j’essaie de comprendre la démarche de l’étonisme. D’un côté il fait long chémin sur le cadre de propositions du prestige africain, à côté de l’égyptologie, africologie, négritude, etc. De l’autre, cette philosophie se justifie dans sa contemporanéité abordant les problèmes planétaires et non seulement africains ou, comme le prétend Etona, des problèmes angolais. Une «voeux» mondial... au service de la santé humaine.

 

 

Simon Ndjami est d’avis par exemple que «nous assistons à des manifestations artistiques qui sont en dessus ou en dessous de la critique. Il faudrait une science de sauvetage pour l’art contemporain»[4]. Je ne sais pas si je serais présente au vernissage, mais je pense que dans la sale où cela va se se passer «Jeune Angola», les observateurs seront devant une «leçon pratique» : oeuvres et théroie. Peut-être qu’ils en pensent mieux pour leur pays qui promet trop. Angola est tellement riche qu’il a fortement besoin des penseurs à l’hauteur...

 

 

C’est un acte enregistrable par l’Histoire. Aussi bien qu’en philosophie de l’art – j’espére, car il détient ce droit de citoyenneté scientifique. Espérons que d’autres chercheurs et critiques d’art s’expriment aussi, car, il en va de soi, ainsi en dépend forcément l’auréole de l’étonisme.

 

 

 

Un anti-exclusionisme

 

Je vais me baser sur le racisme, tout en prenant comme exemple Hegel. En décembre 1962, le président du Ghana, Kwamé Nkrumah, ouvrant le premier congrès international des études africaines à Accra, s’en prenait aux propos prêtés à Hegel, selon lesquels l’Afrique serait en dehors de l’Histoire. Le prix Nobel de littérature, le Nigerian Wolé Soyinka, dans son discours de Stockholm, considérait Hegel comme «l’un des ancêtres intellectuels de l’Apartheid sud-africain». Le Camerounais Marcien Towa voyait en Hegel l’idéologue de l’impérialisme, car il aurait exclu les Noirs de l’histoire universelle et de la philosophie[5].

 

 

Le Congolais Théophile Obenga, disciple de Cheikh Anta Diop, critiquait le maître d’Iéna pour avoir refusé au monde africain toute rationalité[6] ; de même, selon l’analyse de Marie-Louise Diouf, l’Afrique, vue par Hegel, serait  «en soi, irrationnelle»[7]. Le Burkinabé Joseph Ki Zerbo pourfendait Hegel comme le porte-parole le plus radical de la thèse selon laquelle « l’histoire de l’Afrique n’existe pas »[8].

 

 

On pourrait clairement remarquer que les intellectuels Africains – contrariant Hegel – tiennent des discours qui, à leur tour, contiennent le caractère séparatiste. Un reflet normal : «qui empoisonne meurt par le poison», disent les Akwa[9]. «Qui accuse s’accuse». Les intellectuels africains y tombèrent naturellement dans ce jeu, puisqu’ils veulent idéologiser une thèse selon laquelle l’homme noir serait égal ou soit supérieur[10] à l’homme blanc. Une répétition inutile peut-être puisque les Illuministes l’auraient déjà fait. D’ailleurs, Hegel avait attribué la découverte de la quinine à un Docteur Médecin nègre qu’il a appelé Kingéra[11]. D’ailleurs, les pays africains ont été déjà proclamés «independants!». Nonobstant, l’étonisme surpasse ce jeu raçophile/raciste, une doctrine réellement mondiale, j’ose croire, parce que ne condamnerait pas du tout Hegel, mais nous ‘appelle tous’ à avoir l’indulgence l’un vers l’autre. Et cela ne serait possible que par le fait chacun doit s’aimer selon son origine, ce qu’il est, ce qu’il peut devenir, etc.

 

 

 

«Jeune Angola»

 

La révue «Jeune Afrique» fut fondé après avoir remarqué que le Continent Noir commençait à re-naître. Peut-être en soit aussi le cas pour l’Angola. Certainement que ce pays devient conscient de son rôle dans la région : avec Namibia par exemple, les frontiéres n’existent que «politiquement». Un pas que toute la région aurait à suivre, pour reduire leurs problèmes. Pour ne citer que cet exemple.

 

 

Cette exposition cative l’attention para sa forme. Sculptures et peintures gigantes pour dire que Angola bien malgrè Jeune, se veut Grande; Sculpture en «Acacia» pour dire que Angola bien malgrè Jeune se veut forte; Peintures en Huile comme une Angola Jeune mais consacrée(?)[12]. Thème lié au travail pour dire que la Grandeur de l’Angola en dépends forcement[13]; titre relatif à la femme, pour dire que la fertilité de l’Angola devrait être labourée et non pas être mise en vanité; etc.

 

 

En tout cela, Etona maintient sa posture. Sa texture sculptorique et picturale est une marque. Une marque à lui. Une marque qu’il prétend en faire du propre drapeau de la «Jeune Angola» pour – j’ose croire – permettre que les séqueles du passé soient surpassés[14] dans la contemporanité. Etona s’en exprime moyennant sa sculpture/peinture : étonisme ou soit une phiolosphie de la raison tolerante. Pourquoi une «raison tolerante»?

 

 

La sémantique m’a parut ambigue. La vérité ne tolère pas le faux. Et c’est un peu génat pour une raison tolerer ce qui n’est pas «raison». Mais Etona a été militaire. Etona a combatu aux différentes régions angolaises. Il parle avec le peuplade. Il dialogue avec l’élite. L’on ne sait si lui-même est élite ou fait partie de la peuplade. Dans ce puzzle, Etona comme «artiste» est un congregat de tout cela. Et l’experience lui advertit que la «Jeune Angola» a besoin de cette «philosophie» pour changer de «direction», pour la bonne certainement.

 

 

La guerre détruit l’homme, son milieu et son temps. Il en faudrait, pour la «Jeune Angola», re-construire l’Homme Angolais. Etona propose l’étonisme dont la présente exposition en dit plus. L’espace angolais – divisé et incoérent, me parait-il – détruit quelconque trajectoire du future. Étant un pays qui re-naît de cendres dans cet univers africain encore incertain, l’espace angolais fait différence. Et cette différence – Etona nous en fait croire – est le fruit de tous les fils de ce pays. Et les artistes angolais, aussi conscients que préparés, font présence.

 

 

L’ensemble des oeuvres ici présentées me donne l’autorité de définir l’étonisme comme étant l’échange de savoirs tout en acceptant la diversité et surtout d’avantage respecter l’autre.

 

 

Que dit-on de Etona? Et l’ensemble de ses oeuvres[15]? Comme j’ai commencé a le dire, «Jeune Angola» reflète l’idée de «Jeune Afrique». Sans pourtant  chercher à établir un pont axiomatique de comparaison, la présente exposition en provoque la sensation quel que soit dans la diversité morphologique des sculptures et peintures, quel que soit dans la semiotique que ces oeuvres sont dépositires. Autrement, peu importe que Etona soit elite ou peuplade, aimé ou detesté... son oeuvre nous rappelle la «grandeur-ordre-harmonie-symétrie» des Grecs. Serait-il pour cette raison que les Artistes dans l’ancienne Grèce furent des promteurs de la Moral ou Vertude? Je dirais qu’il n’est pas rigoureusement obligatoire de connaître Etona comme personne pour comprendre son «Grand Coeur» qui, avec cette exposition j’ose croire, offre aux Angolais une séance de réflexion sur la destinée de leur pays. Je ne parle pas portugais, croyez-moi[16]. Mais  je suis sûr que son oeuvre parle d’une bonne Rhétorique que lui-même[17]. Patrício Batsîkama a essayé de l’interpreter, mais... pas assez.

 

 

Je n’ai pas l’habitude de beaucoup parler, je m’excuse pour ma bavardise, diraient d’aucuns. Néanmoins j’ai tenté beau dire. Esperons que l’observateur contemple ce ‘bel art’. Et que le spécialiste en dit davantage ce qui nous sauta de vue.

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

1)      BELAVAL Y., Philosophies et leur langage, Gallimard, Paris, 1952

 

2)      BIDIMA, Jean-Godefroy, La philosophie négro-africaine, Que sais-je, P.U.F., Paris, 1995,

 

3)      COVA Hans, Art et politique, les aléas d’un projet esthétique. Essai sur la projection politique de l’art, L’Harmattan, Paris, Budapest, Torino, 2005;

 

4)      DUVIGNAUD, Jean, Le sous-texte, Actes Sud, Arles, 2005

 

5)      FAÏK-NZUJI M.C. Arts africains: signes et symboles, De Boeck et Lacier, Bruxelles ;

 

6)      FOCCROULLE Bernard, La naissance de l’individu dans l’art, B. Grasset, Paris, 2005;

 

7)      FRESNAULT-DERUELLE Pierre, Le silence des tableaux, L’Harmattan, Paris, Budapest, Torino, 2004;

 

8)      GAUDIBERT  p., Art africain contemporain, Diagonales, Turin, 1991 ;

 

9)      JOLY Martine, L’image et son interprétation, A. Colin, Paris, 2005;

 

10)  LEVIN Adam, The art of African shopping, Struik, Cape Town, 2005;

 

11)  MICHAUD Y.,  La crise de l’art contemporain, PUF, Paris, 1997 ;

 

12)  OUÉDRAGO M., Culture et développement en Afrique, L’Harmattan, Paris, 2000 ;

 

13)  PINSON Jean-Claude, L’art après le grand art, C. Defaut, Nantes, 2005

 

14)  VLADMIR G., Theory of Critic, Ed. Atlas, 1989;

 

15)  WILKINSON R. H., Symbol & magic in Egyptian Art, Thames & Hudson, London, 1999

 


[1] Esthétique, histoire de l’art, etc.

 

[2] On pourrait lire JOLY Martine, L’image et son interprétation, A. Colin, Paris, 2005

 

[3] Pour plus de clarté, consultez MICHAUD Y.,  La crise de l’art contemporain, PUF, Paris, 1997.

 

[4] Journal Le Messager du 16 Mars de 2005.

 

[5] Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle. Yaoundé, 1971. Basile Fouda et Sindjoum Pokam ont vivement critiqué Towa, dans La philosophie camerounaise à l’ère du soupçon, Yaoundé, 1980.

 

[6] Cheikh Anta Diop, « Volney et le Sphinx », Présence africaine 1996

 

[7] Individu et système chez Hegel, thèse 3è cycle, Paris I, 1979

 

[8] Histoire de l’Afrique noire, d’hier à aujourd’hui, Paris 1978.

 

[9] Une tribu de Caméroun.

 

[10] À une époque lointaine : Afrique pharaonique.

 

[11] Hegel, critique de l’Afrique, Thèse Paris I, 1990, de Pierre Franklin Tavarès

 

Publié dans worldart

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